4. De l'éducation sans idéologie
L'infolettre ONGBS du 11 septembre 2024
Bienvenue dans la nouvelle infolettre satirique L’Observatoire national du gros bon sens, dans laquelle chaque semaine, le mercredi, je souligne la publication d’un ou de plusieurs textes s’étant démarqués par leur gros bon sens. Cette semaine, le gros bon sens, c’est revenir au système d’éducation du XXe siècle.
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Pourquoi avoir changé une formule gagnante?
Il y a environ deux semaines, les jeunes caquistes (on me glisse à l’oreille que oui, en effet, une telle chose existe malgré la nature apparemment antinomique de la chose) ont provoqué un réel tsunami dans le monde de l’éducation en réclamant aussi haut et fort qu’il est possible de s’exprimer à l’écrit, le retour du vouvoiement et de l’uniforme à l’école. Dans une missive publiée dans la rubrique Faites la différence du Journal de Montréal, Aurélie Diep, Présidente de la Relève de la CAQ, a exprimé son plus grand rêve: « une école stimulante, qui valorise l’implication parascolaire et la pratique du sport. Un milieu qui offre plusieurs voies vers la réussite, qui sait s’adapter aux multiples besoins et passions des élèves. Cette vision n’est possible que si nous avons le courage de rendre l’école sécuritaire et accueillante. Notre génération doit porter cette cause pour ceux et celles qui suivront! »
Émouvant, n’est-ce pas?
Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que le commentariat aguerrit et visiblement expert en éducation et en pédagogie vive une véritable extase devant cette solution sortie des sentiers battus. Si le texte de la présidente de la relève caquiste avait été un film, son affiche comporterait de multiples extraits de critiques dithyrambiques dans la partie inférieure de l’image. « “Bravo!” - Josée Legault, Journal de Montréal ». « “ Enfin!” - Mario Dumont, Journal de Montréal ». « “Que ceux qui s’opposent à cette proposition veuillent bien lever la main. ”- Isabelle Hachey, La Presse ». « “Ramener la discipline à l’école? Excellente idée” - Mathieu Bock-Côté, le Journal de Montréal ».
Ce dernier, en parlant du vouvoiement obligatoire, mentionnait d’ailleurs que ça devrait relever « du simple bon sens ». Bien sûr, la culture québécoise en est une du tutoiement, concède-t-il. Mais qu’importe: c’est une de ses « faiblesses » qu’il vaudrait mieux éliminer. C’est ça, aussi, le gros bon sens.
Mais ne vous laissez pas berner par les mauvaises langues! On ne veut pas revenir à l’époque où la maitresse d’école circulait entre les rangers de pupitres afin de malmener les jointures, à l’aide d'une règle en bois, du premier petit sacripant qui la regarderait de travers. Surtout pas. Selon M. Dumont, « il est néanmoins grand temps de ramener le balancier vers le bon sens. » Le gros bon sens, plus précisément. « Pris isolément, le vouvoiement, le code vestimentaire ou les formations ne peuvent pas avoir un effet miraculeux. Mais un ensemble de changements dans l’approche peuvent remettre le jeune élève dans un cadre ». Parce qu’un cadre, c’est surtout ça qui est « stimulant » et qui permet de répondre et s’adapter « aux multiples besoins et passions des élèves », pour reprendre les mots d’Aurélie Diep.
Tout est dans tout.
Le coupable: le parent
Pour les habitués de cette rubrique, vous avez pu remarquer que les coupables de tous les maux de la société ce sont, généralement parlant, les gauchistes. Parfois même, plus précisément, les wokes. Après tout, tous les wokes sont gauchistes, mais pas tous les gauchistes sont wokes.
Ceci dit, le coupable de cette détérioration de l’école québécoise n’est pas la gauche, mais plutôt le parent. Notez bien que les parents les plus problématiques sont fort certainement également des gauchistes, puisque manquant de gros bon sens. Mais bon.
Aurélie Diep, dans son manifeste, affirme que « malgré tout, des comportements répréhensibles restent trop souvent impunis, notamment en raison de la désolidarisation de parents qui prennent systématiquement la défense de leur enfant, même lorsqu’il est dans le tort. Les écoles doivent donc avoir les pouvoirs nécessaires pour imposer les sanctions appropriées. Les parents demeurent responsables des actions de leurs enfants, et c’est pour cette raison que nous suggérons que les parents d’élèves coupables de violence et d’intimidation soient tenus de les accompagner à une formation obligatoire pour changer leur comportement et réparer leurs actions. »
Maintenant que la solution est trouvée, il ne reste plus qu’à ouvrir des plages horaires pour ces cours (qu’on présume du soir) sur les comportements et la réparation des actions auxquels seront conviés les petits et petites bums et les personnes qui en détiennent l’autorité parentale, pour reprendre la terminologie d’Éducaloi. Et trouver les personnes pour enseigner ces formations. Ça ne devrait pas trop être un problème, considérant que l’éducation est la priorité #1 du gouvernement caquiste, et qu’il agit manifestement en conséquence.
Mais même rendu là, on n’est pas sorti du bois. Comme disait Richard Martineau dans un éloquent papier, « on n’a pas les profs (et les futurs profs) qu’on avait. » « Quelques difficultés, et hop, les petits lapins jettent la serviette et déclarent forfait. Les études sont trop longues, les stages ne sont pas rémunérés, la tâche est trop lourde... ». « C’est ce qui arrive quand on élève les enfants dans du papier bulle. Lorsqu’ils arrivent sur le marché du travail et que la réalité les frappe, ils craquent. » C’est sûr que Rosaire, le prof de 4e année en 1975, la réalité se tenait bien tranquille avec lui. Elle ne le frappait pas, lui. C’est plus lui qui frappait, et qui faisait craquer. Tu ne le regardais pas de travers, Rosaire. Et pas d’histoires de niaiseries de « spécialiste en ortho-quelque chose » pour aider les enfants à mieux gérer leurs émotions.
Rosaire faisait la job.
Une éducation dépourvue d’idéologie
Mario Dumont fait la synthèse de cette dégradation cauchemardesque de l’école québécoise: « Au tournant de l’an 2000, le système d’éducation québécois a vécu une réforme bien bizarre. Fini les bulletins compréhensibles, exit la notion d’autorité pour l’enseignant, vive les “compétences transversales”! Cette réforme nous montrait le pire visage du PQ. Un parti aux tendances socialisantes qui permettait aux plus idéologiques des bureaucrates de tester leurs thèses expérimentales. Une autre fois, nos enfants furent des cobayes. »
Face à cette attaque frontale de l’idéologie sur le gros bon sens, il faut certainement une réplique musclée. Le bien-être de nos enfants, et plus largement de la société québécoise, en dépend. Il faut habiller les jeunes tous pareils, les faire parler tous pareils, et les faire agir tous pareils. Il faut les faire s’épanouir dans le cadre. La liberté dans la contrainte. « La liberté, c’est l’esclavage ».
Alors seulement, nous pourrons dire que nous avons une éducation dépourvue d’idéologie.