11. Ces prises d'otage que l'on oublie
L'infolettre ONGBS du 12 février 2025
Bienvenue dans l’infolettre satirique L’Observatoire national du gros bon sens, dans laquelle chaque semaine, le mercredi, je souligne la publication d’un ou de plusieurs textes s’étant démarqués par leur «gros bon sens». Cette semaine, le gros bon sens, c’est de ne pas fermer les yeux sur ces prises d’otages trop fréquentes.
Les jours s’enchaînent et il s’en passe des choses, hein. Entre les grands évènements internationaux comme la guerre en Ukraine, la guerre au Moyen-Orient et le retour de Donald Trump aux commandes de la première puissance mondiale, plusieurs fâcheux évènements finissent par passer sous le radar et, si le radar les captent, ils sombrent dans notre oubli collectif. J’aimerais donc, aujourd’hui, prendre le temps de souligner plusieurs prises d’otage qui ont eu lieu, ici ou ailleurs, dans les 13 derniers mois (de janvier 2024 à janvier 2025).
Afin que les victimes ne tombent pas dans l’oublie.
Cadre conceptuel
Avant toute chose, il est essentiel de définir ce que nous entendons ici comme étant une prise d’otage. Cela fera en sorte d’éviter que nous utilisions cette expression à tout vent, dans le seul but de créer une image choc qui veut plus ou moins dire quelque chose, affectant ainsi notre rigueur et notre crédibilité.
À noter que le droit est un construit social, c’est à dire qu’il est adapté et différent selon les sociétés sur lesquelles il s’applique. Dans le cas de ce texte, nous allons utiliser le référent canadien puisque la grande majorité des présumés suspects et des présumées victimes sont canadiennes.
Selon le Site Web de la législation (Justice) du Gouvernement du Canada, une prise d’otage peut se définir ainsi:
Prise d’otage
279.1 (1) Commet une prise d’otage quiconque, dans l’intention d’amener une personne, ou un groupe de personnes, un État ou une organisation internationale ou intergouvernementale à faire ou à omettre de faire quelque chose comme condition, expresse ou implicite, de la libération de l’otage :
a) d’une part, séquestre, emprisonne, saisit ou détient de force une autre personne;
b) d’autre part, de quelque façon, menace de causer la mort de cette autre personne ou de la blesser, ou de continuer à la séquestrer, l’emprisonner ou la détenir.
Et les peines pour un tel acte sont des plus salées, d’où l’importance de prendre au sérieux de telles situations.
Peine
(2) Quiconque commet une prise d’otage est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu à autorisation restreinte ou d’une arme à feu prohibée lors de la perpétration de l’infraction, ou s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction et que celle-ci est perpétrée au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou en association avec elle, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant :
(i) de cinq ans, dans le cas d’une première infraction,
(ii) de sept ans, en cas de récidive;
a.1) dans les autres cas où il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.
C’est du sérieux.
Méthodologie
Afin d’être bien certain de ne pas oublier d’évènement, ma méthodologie de recherche journalistique s’est résumée à écrire « otage » dans le moteur de recherche intégré au site du Journal de Montréal et d’y extraire tout les textes écrits par des chroniqueurs de la boîte dans les 13 derniers mois.
Puisqu’on sait que c’est là que ce trouvent les sujets dont personne ne parle.
Il est à noter que les textes mentionnant les otages israéliens ont été exclus de la recension puisque la prise d’otage a eu lieu en 2023 (bien qu’encore en cours), et elle a été amplement couverte médiatiquement.
Sur ce, c’est parti.
La population québecoise
L’une des plus grandes victimes des prises d’otage dans la dernière année est sans nul doute la population québecoise. Selon les articles recensés, la population québécoise a en effet été victime de trois prises d’otage dans les 13 derniers mois, en plus de toujours subir les séquelles d’une prise d’otage de 2023 et d’en risquer un nouvelle imminemment.
Le fait que « les syndicats [de l’éducation] ont pris en otage la population » à l’automne 2023, selon Mathieu Bock-Côté (MBC), fait en sorte que « les contribuables seront ponctionnés pour financer la hausse de salaire d’employés de l’État généralement protégés, qui en plus de cela, bénéficient d’un système de retraite auquel le commun des mortels n’a plus vraiment accès ».
Des séquelles qui affecteront les victimes pour des années encore.
Emmanuel Latraverse, de son côté, a fait référence au précédent évènement, mais voit plus large. En effet, face à une détérioration de plusieurs aspects de la société, que ce soit les services publics ou encore le marché de l’emploi, les citoyens, affirme-t-elle, « demandent juste d’arrêter d’être pris en otage entre la bureaucratie, les syndicats et autres intérêts corporatistes ».
En plus d’être pris en otage par la bureaucratie, les syndicats et d’autres intérêts corporatifs, la population est également prise en otage par l’incapacité des élus municipaux de s’entendre avec le gouvernement provincial de François Legault, selon Françis Gosselin.
Le prétexte à gruger davantage de la richesse des ménages à l’avantage de l’État se fait sous couvert de financer le transport en commun. Comme l’expliquait le PDG de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, les citoyens sont pris en otage par l’incapacité des élus municipaux de s’entendre avec le gouvernement provincial de François Legault.
Troisième et dernière prise d’otage active impliquant la population du Québec maintenant, Emmanuel Latraverse rapportait, en décembre dernier, que les canadiens étaient pris en otages par deux compagnies aériennes bien connues.
Le problème, c’est que chez nous, Air Canada et WestJet ont le quasi-monopole sur de trop nombreux itinéraires au Canada. Ils nous tiennent en otage.
En France, quand on paie pour Air France, on n’a pas un service de Easyjet.
En Grande-Bretagne, quand on paie pour British Airways, on n’a pas un service de Ryanair!
Mais au Canada, arrange-toi! Paie le gros prix avec un service de transporteur à rabais.
Dure année pour la population québecoise et canadienne, il va sans dire.
Mais son calvaire pourrait bien reprendre de plus bel bientôt, selon Émilise Lessard-Thérien. En effet, face aux menaces de tarifs de 25% de Donald Trump, le Canada envisage de tarifer certains produits états-uniens en guise de représailles, notamment le jus d’orange. Un prise d’otage à peine déguisée, vous aurez deviné. « Le Canada peut taxer davantage le made in USA. Mais prendre la population en otage en la faisant payer plus cher son verre de goût de soleil en janvier, ce n’est pas durable ».
Il s’attend à ce qu’on fasse quoi, le gouvernement? Qu’on boive l’orange direct avec une paille plantée à travers l’écorce comme indiqué sur les bouteilles de Tropicana?
Il y a toujours bien des limites.
Le continent nord-américain
Certains criminels sont plus ambitieux que d’autres. En effet, pourquoi prendre en otage un simple pays quand on peut prendre en otage un continent en entier! C’est d’ailleurs ce qu’ont fait notoirement « les 9300 travailleurs affiliés au syndicat des Teamsters » ainsi que le « duopole CN/CPKC » en août dernier, selon Françis Gosselin. Les élus étaient « paralysés face à ce conflit qui tient le continent nord-américain en otage, quelques mois à peine après l’expiration des conventions collectives », engendrant en parti ce que Gosselin qualifie de « maladie canadienne ».
Comme quoi les conséquences d’une prise d’otage peuvent prendre plusieurs formes, notamment la maladie.
Les Ukrainiens
Parce que la misère tend à s’acharner sur le pauvre monde, les ukrainiens, qui sont déjà aux prises avec un voisin impérialiste qui tente de les envahir depuis février 2022, ont été pris en otage l’année dernière. Par qui, vous demandez? Par le Coalition Avenir Québec (CAQ), qui d’autre? Marie-Ève Doyon affirme, en effet, que « la CAQ prend les Ukrainiens en otages dans sa guerre contre Ottawa ».
En deux mots, le gouvernement fédéral a prolongé jusqu’en 2027 les visas de séjour (Autorisations de voyage d’urgence Canada-Ukraine (AVUCU)) des Ukrainiens qui ont fui la guerre, mais Québec ne renouvelle pas leurs inscriptions à la RAMQ au-delà des premiers mois de 2025.
À quand la saisie des avoirs des oligarques québécois par les États membres de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN)?
Les communautés
Dirigeons-nous maintenant à un échelle un peu plus petite que des populations entières, voire même une région du monde. Mathieu Bock-Côté, qui a le bien-être de ces personnes à cœur, on le sait, déplorait une prise d’otage qui a pris pour cible les musulmans canadiens.
« C’est la folie du multiculturalisme canadien de permettre aux radicaux de chaque communauté de s’en prétendre les représentants, et ainsi, de les prendre en otage, comme s’ils étaient les seuls à pouvoir parler en leur nom ».
Je me demande bien qui se porteraient à la défense des musulmans canadiens si ce n’était de notre MBC national.
Des aînés moins nantis, des enfants et des personnes handicapées
Autres sous-groupes de la population, autres prises d’otage. Josée Legault a, cette année, pointé du doigt le « nationalisme » québecois, qui se serait attaqué aux plus vulnérables de notre société.
La Presse rapporte qu’une directive du ministère de la Santé «interdit à ses établissements de santé de gérer les réclamations au régime fédéral de soins dentaires, jugeant qu’il s’agit d’une ingérence dans son champ de compétence».
Traduction: des aînés moins nantis, des enfants et des personnes handicapées seront privés du nouveau régime fédéral. Ils deviennent ainsi les otages d’une énième chicane avec Ottawa. Une honte.
Une chance que nous avons Josée Legault pour nous traduire cette situation de prise d’otage qui tentait d’échapper à notre vigilance. C’est passé proche.
Les restaurateurs
Bon, évidemment, nous effectuons présentement un travail de mémoire indispensable. Mais ça peut devenir lourd, cordées les unes après les autres, ce prises d’otage. Allons-y alors pour un dossier un peu plus inusité.
Je ne dirai pas: «Dans mon temps, on travaillait fort, on ne comptait pas les heures», mais...
Dans mon temps, on travaillait fort et on ne comptait pas les heures.
Oui, il y a de grosses entreprises comme Amazon qui traitent leurs employés comme de la chnoute.
Mais il y a aussi des petits entrepreneurs qui sont pris en otage par des petits lapins qui ne veulent pas travailler le soir ou les fins de semaine...
Cet extrait d’un texte récent de Richard Martineau peut sembler complètement sauté sans contexte, mais vous pouvez cliquer sur le lien et aller lire par vous même le texte dans son entièreté. Vous verrez, il est complètement sauté même contextualisé.
La motoneige et les bénévoles des clubs
Dossier ayant passé sous le radar s’il en est un, Julien Cabana rapportait l’année dernière que « la motoneige et les bénévoles des clubs se retrouvent pris en otages dans des causes qui ne les concernent pas du tout ».
Essentiellement, je ne suis pas un expert du dossier, mais les propriétaires de pourvoiries, où les gens peuvent pratiquer la motoneige, menaçaient de fermer des sentiers en guise de représailles aux exploitations forestières qui coupent des sentiers dans le but de mener leurs activités (une explication au mieux médiocre de ma part, je sais).
C’est, en tout et pour tout, un cas d’école de prise d’otage.
François Legault
Vous ne l’avez peut-être pas remarqué, mais même notre souverain a été victime d’une prise d’otage en 2024! MBC pointe cette fois du doigt les ministres fédéralistes de cette coalition qu’est la CAQ pour la posture ambivalente du gouvernement en place sur la question nationale.
Et puisque la CAQ s’entête à refuser la possibilité même de l’indépendance, comme si François Legault était otage de ses alliés fédéralistes du Conseil des ministres, elle est condamnée à pleurer toujours plus, ou à ramener à la baisse ses demandes, au point même de se dire heureuse de recevoir des miettes, quand elle en trouve.
Les électeurs nationalistes ne pardonnent pas à la CAQ cette démission politique.
Un chef de gouvernement pris en otage, c’est non sans rappeler le coup d’État de 2023 au Niger.
Le PLQ
Le parti au pouvoir au Québec ayant été impliqué dans une prise d’otage en 2024, il faut souligner que l’opposition officielle n’a pas pu échapper à ce fléau non plus. Joseph Facal, l’ancien Président du Conseil du trésor du Québec et digne successeur de Louise Tremblay-D'Essiambre, en avait long à dire sur ce qui se passe dans l’ombre au Parti libéral du Québec (PLQ).
La sociologie enseigne que lorsqu’un comportement paraît irrationnel, il faut se demander s’il n’a pas une rationalité pour celui qui agit ainsi en fonction de ses croyances à lui.
Dès lors, l’explication crève les yeux.
Le PLQ est l’otage de l’électorat anglophone et allophone.
Les vues dominantes sur sa planète sont aux antipodes de celles du Québec français.
Ce dernier extrait d’un texte au titre plus que mystérieux, « Les extraterrestres existent: ils sont au PLQ », essayait donc d’attribuer la déconnexion du PLQ avec l’électorat francophone à une prise d’otage effectuée en son sein par l’électorat anglophone et allophone.
Et comme si ce n’était pas suffisant, ceux-ci viennent d’une galaxie lointaine, très lointaine.
Nous aurions dû nous en douter.
Dans tout les films de science fiction qui mettent en vedette des êtres extraterrestres, ces derniers parlent… anglais (ou une autre langue mystérieuse, en faisant des allophones)!
Mais où avions nous la tête?
Via Rail
Vous vous rappelez de l’évènement lors duquel des voyageurs à bord d’un train Via Rail ont été bloqué entre Montréal et Québec pendant 10 heures?
Moi non plus.
Mais dans tous les cas, Emmanuel Latraverse avait pris la peine de souligner que tout cela était essentiellement le résultat d’une énième prise d’otage au pays.
On s’indigne, on se moque, on se désole. Mais la plupart du temps, VIA Rail fait du mieux qu’il peut avec les moyens du bord.
Comment être ponctuel quand on est systématiquement forcé de céder le passage à des trains de marchandises de plus en plus longs?
Comment garantir la fiabilité quand toute l’architecture du matériel roulant a trop longtemps reposé sur l’achat de «réguines» usagées?
Comment bâtir pour l’avenir quand VIA Rail ne peut pratiquement pas emprunter et dépend de l’humeur des gouvernements?
VIA Rail est otage d’un cadre dysfonctionnel.
L’économie canadienne
Vous souvenez-vous, du CN et du CPKC? Ils avaient pris la population canadienne en otage quelques paragraphes plus tôt, conjointement avec les syndicats défendant les intérêts de leurs employés. Loic Tassé en avait long à dire sur un autre évènement les impliquant cette année.
Le CN et le CPKC viennent de mettre leurs employés en lock-out. C’est inacceptable. Par leur faute, l’économie canadienne va perdre un milliard de dollars par jour.
Les employés refusaient-ils de négocier? Non. Les compagnies sont-elles au bord de la faillite? Non plus.
Peu importe les arguments des deux compagnies, il est intolérable qu’elles prennent en otage l’économie canadienne.
L’économie canadienne n’était pas au bout de ses peines puisque quelques mois plus tard, elle a été impliqué dans un autre incident, tel que le rapportait Françis Gosselin.
À la veille de Noël et du temps des Fêtes, la grève des 55 000 travailleurs de Postes Canada est une nouvelle tuile qui s’abat sur le secteur logistique. Encore une fois, une poignée d’individus – patrons et syndiqués – se donnent le droit de prendre l’ensemble de l’économie en otage.
Si le droit permettait de telles manœuvres de négociations, on le saurait!
Les intérêts du Québec
Pour les deux dernières prises d’otages qui seront relatées dans cet article, il sera question de victimes un peu plus intangibles que les précédentes.
En effet, Yasmine Abdelfadel annonçait en grande pompe que « les intérêts du Québec sont pris en otages » par une chicane qui a eu lieu entre le Premier ministre fédéral Justin Trudeau et le Premier ministre québecois François Legault en septembre dernier dans le cadre de plusieurs négociations financières.
La question demeure à savoir pourquoi Legault a prit en otage la chose même qu’il tentait d’obtenir dans cette situation tendue, c’est à dire une défense des intérêts du Québec.
Des fois, il ne faut pas trop se questionner sur ce qui motive ces êtres dérangés.
L’âme du Parti démocrate
Nous sommes maintenant rendu au dernier malheureux évènement du texte.
Déjà.
Et ce n’est pas le moindre.
Emmanuelle Latraverse était dans un état assez dubitatif à la suite du premier débat présidentiel du quatrième âge entre Joe Biden et Donald Trump il y a quelques mois. « Une question subsiste », énoncait-elle: « le Parti républicain a déjà vendu son âme à Donald Trump, mais pendant combien de temps le Parti démocrate laissera-t-il la sienne en otage des ambitions messianiques de Joe Biden? »
Je n’ai malheureusement pas de réponse à cette question. Mais ne se sort pas d’une prise d’otage qui veut.
C’est un peu ça, la nature de la chose.
À garder à l’œil
Après avoir couvert chacun de ces cas de façon à la fois synthétique et spécifique, il est important de prendre un peu de recul afin de bien saisir l’ampleur de ce phénomène. Au total, dans les 13 derniers mois, des prises d’otage non liées à la guerre au Proche-Orient ont été rapportées 19 fois, pour un total de 15 victimes ou groupes de victimes non-mutuellement exclusifs.
C’est énorme.
Heureusement, nous avons pu et pouvons toujours compter sur l’équipe aguerrie de chroniqueurs du Journal de Montréal qui mène, envers et contre-tous, ce travail de recension indispensable.
Merci.